Couverture de GES_262

Article de revue

Les défis pratiques et épistémologiques d’une écologisation de l’aménagement

Pages 325 à 346

Notes

  • [1]
    Nous parlons d’acte d’aménager pour évoquer toutes les procédures et pratiques qui contribuent au pilotage, à la réalisation et aux transformations successives des projets d’aménagement. Le terme, qui est employé par certains de nos interlocuteurs, vient sans doute de l’analogie avec « l’acte de construire » ou « l’acte de bâtir ». Là où le terme aménagement peut avoir des acceptions larges, l’acte d’aménager a un périmètre plus circonscrit, rapporté à une opération.
  • [2]
    Pour une présentation des débats théoriques autour de la notion, voir Bognon et Thébault (2020) et Rode (2023).
  • [3]
    En prenant acte du fait que les référentiels existants, comme ceux sur l’aménagement ou la construction durable (Paris et Henry, 2009), restaient souvent peu utilisés par les aménageurs partenaires, car jugés peu opérationnalisables, notamment en raison de leur caractère considéré souvent trop général, ou daté, et de la difficulté à être suivi.
  • [4]
    Par valuation, on entend les processus qui attribuent des valeurs monétaires et non monétaires à un objet. Comme l’indique Vatin : « valuation studies are about studying everyday inquiries about what is desired, cared about, or held précieux – inquiries through which, according to John Dewey, people go from immediate valuations to more reflexive ones (asking themselves “Is it really worth it?” » (Vatin, 2013, p. 32).
  • [5]
    Qu’on retrouve aussi dans les travaux qui mettent en avant la valeur servicielle des espaces aménagés (Fenker, 2017).
  • [6]
    À cet égard, dans le cas de l’aménagement français, un référentiel métrologique a été publié en 2022 pour développer cette approche au sein des projets d’aménagement, à la suite des travaux d’un groupe présidé par Sabine Baïetto-Beysson.
  • [7]
    Ces travaux, depuis les recherches de Moore (1991) ou Gallhofer et Haslam (1997) offrent des outils analytiques permettant de comprendre la construction de conventions comptables et les enjeux sociopolitiques et matériels qu’elles recouvrent.
  • [8]
    Dont témoignent bien les titres des dernières sessions du Réseau national des aménageurs : « aménager autrement, la nouvelle place de l’aménageur » (23 novembre 2023), ou du Club ville et aménagement sur « les aménageurs face au changement climatique » (idem).
  • [9]
    Dans ces deux études prospectives, l’ADEME compare la consommation d’une vingtaine de matériaux nécessaires pour la construction et la rénovation BBC (bâtiments basse consommation) des bâtiments à l’horizon 2050. Elles procèdent notamment au chiffrage de la quantité de matériaux à mobiliser en tonne par mètre carré, montrant que la rénovation d’un bâtiment nécessite 40 à 80 fois moins de tonnes par mètre carré de matériaux, selon la typologie des bâtiments (40 pour une maison individuelle, 80 pour un immeuble collectif). L’ADEME en retient de ce fait un besoin urgent de favoriser la rénovation sur le développement de nouvelles constructions et extensions.
  • [10]
    Présentation de la feuille de route lors des rencontres du Réseau national des aménageurs en mars 2023. Voir la feuille de route définitive : https://www-ecologie-gouv-fr.acces.bibl.ulaval.ca/sites/default/files/Feuille_de_route_decarbonation_amenagement.pdf
  • [11]
    Ces aspects sont détaillés dans les travaux de Charlot-Valdieu et Outrequin (2018).
  • [12]
    Ce fonds permet aux collectivités d’obtenir un accompagnement au montage de projets et des financements pour réaliser des projets de transition écologique. Il est doté de 2 milliards d’euros en 2023. Or, une étude de l’Institut pour le Climat (I4CE), estime que les collectivités devraient réaliser au moins 12 milliards d’euros d’investissements chaque année de 2021 à 2030 pour atteindre les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone, et ce quel que soit le scénario d’atteinte de la neutralité carbone (Colin et al., 2022).

Introduction

1 « On ne pourra plus construire ainsi ». Cette phrase, nous l’avons entendue à de nombreuses reprises chez nos interlocuteurs aménageurs, reflétant une crise intense du milieu. Elle prend des formes variées, comme chez cet aménageur public de l’Ouest français, qui a acquis pour le compte de communes de nombreux terrains au cours des deux dernières décennies, dans une région à la forte attractivité économique et connaissant un dynamisme démographique important. L’idée initiale était de développer sur ces terrains des projets d’aménagement en extension. La découverte de zones humides sur une partie de ces fonciers a cependant conduit à devoir abandonner plusieurs de ces projets, privant l’aménageur de recettes potentielles liées à la revente de droits à construire, remettant ainsi en question son modèle économique et interrogeant, plus largement, son modèle de fonctionnement. Cet exemple ne dit pas seulement une sobriété foncière subie plus qu’organisée ; il raconte aussi un changement plus profond dans les façons d’opérer et d’analyser l’acte d’aménager [1].

2 Un regard rapide sur les cadres réglementaires de l’aménagement français pourrait laisser penser que l’enjeu écologique a été pris en charge et ne nécessite pas de transformations radicales : la pratique de l’aménagement est en théorie réglée par la séquence « Éviter, Réduire, Compenser » (ERC), inscrite dans la loi sur la protection de la nature de 1976. Depuis une douzaine d’années, sous l’impulsion des directives européennes, la loi française s’est même structurée et étoffée sur ces enjeux : Grenelle de l’environnement (2009 et 2010), loi pour la reconquête de la nature et des paysages (2016), loi climat et résilience (2021). Ces lois se déclinent ensuite dans des stratégies nationales et des outils d’observation qui permettent d’améliorer notre connaissance de ce qu’on a pu longtemps considérer en aménagement comme des « vides ». Des objectifs quantitatifs, dans le prolongement des appels à limiter l’extension urbaine (présents dès la loi Solidarité et Renouvellement urbain de 2000) commencent aussi à se dessiner, avec, en porte-drapeau, l’objectif de zéro artificialisation nette, sujet à de vives controverses (Offner, 2022, 2023). Pour autant, la démarche ERC et ses implications aussi bien matérielles, comptables que politiques peinent à être intégrées de manière substantielle dans la pratique de l’aménagement. Celle-ci reste marquée par ce que Hornborg appelle un « échange écologique inégal » (Hornborg, 2009, repris et appliqué dans le domaine de l’aménagement et des infrastructures par Lopez, 2019), à savoir l’exploitation intensive et insoutenable et la mise en circulation des ressources naturelles, doublée d’une dégradation des relations au vivant non humain. Le modèle de fonctionnement actuel des aménageurs en donne une bonne illustration : il repose fortement sur le mécanisme de revente des charges foncières, c’est-à-dire une valorisation monétaire du foncier à partir des futurs droits à construire dessus. Ce mécanisme, adossé à la valeur vénale et aux marchés immobiliers, rémunère la consommation de sols (encore trop souvent non bâtis), de matières premières et d’énergie. L’acte d’aménager valorise ainsi une consommation matérielle toujours plus intense. Si les crises écologiques actuelles peuvent être lues comme des crises matérielles (Haberl et al., 2017 ; Coutard et Florentin, 2022), l’acte d’aménager se trouve alors confronté à des questionnements ontologiques, que cet article entend déplier.

3 Dans ce texte, nous faisons l’hypothèse forte qu’une partie des cadres traditionnels qui ont présidé à l’analyse et à la pratique de l’aménagement serait ainsi obsolète ou inadéquate pour traiter d’une écologisation profonde de l’acte d’aménager et du modèle de fonctionnement des aménageurs. Le terme récent d’écologisation a pu être perçu comme un « néologisme politico-administratif emprunté au vocabulaire canadien et suisse qui désigne l’intégration des objectifs politiques de l’environnement dans les politiques sectorielles » (Deverre et Sainte-Marie, 2008, p. 83). Il est parfois utilisé pour désigner « un rapport de respect et une attention à l’environnement » (Charbonnier et Kreplak, 2012, p. 7) ou un appareillage instrumental d’une politique publique (Cormier et al., 2010). Nous voyons dans le terme d’écologisation un processus de transformation des sociétés par les savoirs écologiques, dans la lignée de la proposition de Mormont qui la conceptualise comme l’ensemble « [d]es processus par lesquels l’environnement est pris en compte dans les politiques publiques, dans les organisations voire dans les pratiques professionnelles » (2013, p. 159). Ainsi, appliqué à l’aménagement, l’écologisation désigne notamment les processus par lesquels l’acte d’aménager manifeste « un soin apporté au vivant et l’adaptation des formes d’occupation de l’espace aux dynamiques des milieux » (Rode, 2023, p. 13). À ce titre, il se rapproche des travaux sur l’urbanisme biophilique de Beatley (2011). Mais l’écologisation n’est pas qu’une attention soutenue ou renouvelée au vivant, elle correspond également à une intégration forte, dans les projets urbains, des contraintes matérielles et énergétiques qui pèsent sur l’acte d’aménager [2].

4 L’écologisation de l’aménagement peut de ce fait être appréhendée comme le passage d’un modèle de fonctionnement fortement consommateur de ressources et largement anthropocentré à un modèle inscrit dans ce qui a été appelé limites planétaires (Steffen et al., 2015) ou, plus récemment, limites du système Terre (Rockström et al., 2023), davantage centré sur les écosystèmes. L’analyse de l’intensité de l’écologisation permet ainsi de mettre au travail l’idée d’un tournant écologique de l’aménagement identifié par Léger-Smith (2013).

5 Par la notion de modèle de fonctionnement, nous cherchons à dépasser le cadre restrictif du terme « modèle économique » et désignons ici les pratiques des aménageurs, les règles et les routines qui encadrent la réalisation des projets urbains qu’ils coordonnent, dont, et le point est d’importance, la gestion des équilibres financiers de leur activité. En ce sens, le modèle de fonctionnement sur lequel repose l’aménagement peut être rapproché de la notion de régime, au cœur des transition studies, c’est-à-dire un ensemble de règles, valeurs, pratiques et normes plus ou moins institutionnalisées qui participent à la structuration et à la stabilité d’un système sociotechnique (Fuenfschilling et Truffer, 2014). Ainsi, si notre texte ne s’appuie pas directement sur les sustainability transition studies (Loorbach et al., 2017), il participe à informer la transition soutenable des territoires en regardant les transformations du système sociotechnique dominant de l’aménagement opérationnel. Pour autant, dans la lignée des travaux en écologie territoriale, il ne prend le terme de transition que dans son acception socioécologique, dans l’idée d’une inscription des activités dans des cycles biogéochimiques contraints et fermés (Barles, 2017).

6 Cette optique a des implications fortes sur la manière de concevoir l’acte d’aménager : comment imaginer une compréhension de l’économie de l’aménagement qui soit encastrée dans les limites biogéophysiques de nos écosystèmes, et par ce biais moins intrinsèquement attachée à la production d’équipements physiques, nécessitant des quantités massives de ressources (ADEME, 2019) ? Comment la « valeur écologique » d’un aménagement, et notamment sa contribution à l’inscription des activités humaines dans les limites planétaires, peut-elle devenir un paramètre structurant des cadres de décisions et des modalités de financement des aménageurs ? Ces questionnements relativement vertigineux au premier abord correspondent à des préoccupations émergentes, aussi bien dans le monde académique que dans le milieu des praticiennes et des praticiens de l’aménagement.

7 Ce travail part du problème perçu par les aménageurs de l’essoufflement de leur modèle de fonctionnement dont le devenir leur semble incertain. Il cherche à analyser la manière dont la littérature en aménagement permet ou non d’outiller ce questionnement. À ce titre, il s’appuie sur un dialogue entre la littérature académique traitant des transformations du monde de l’aménagement et sur une recherche menée auprès de six aménageurs publics locaux français (sociétés d’économie mixte et/ou sociétés publiques locales), anonymisés dans le cadre de cet article. La sélection des aménageurs s’est faite par un appel à manifestation d’intérêt au sein des fédérations professionnelles. Ces aménageurs ont en partage la conviction d’un modèle obsolète et sont donc volontaires pour interroger leurs pratiques et penser de nouveaux cadres théoriques et opérationnels pertinents pour un aménagement écologisé [3]. Cette méthode peut introduire un biais de sélection. Cependant, elle nous a permis de rassembler des aménageurs aux profils divers, métropolitains mais aussi départementaux, agissant dans des contextes de forte croissance urbaine ou de déprise démographique, et s’appuyant sur des activités historiques variées, dépassant parfois le cadre strict de l’aménagement, comme la gestion de parking.

8 Des immersions courtes, généralement d’une semaine, ont été réalisées chez quatre des aménageurs depuis l’automne 2022. Elles nous ont permis d’être associé·e·s par la suite à de nombreuses réunions et interactions avec les acteurs concourant à la réalisation de projets urbains, comme les collectivités. Par ce biais, nous nous sommes « mis à l’école de [nos] enquêtés » (Cefaï, 2010) pour saisir leurs contraintes et, dans une optique pragmatiste, comprendre leurs problématisations. Ces immersions nous ont conduit à observer le caractère central et structurant de l’équilibre financier dans la conduite des opérations d’aménagement. Cela ne signifie évidemment pas que les décisions d’aménagement sont uniquement guidées par ce paramètre, mais, comme nos immersions dans le quotidien des aménageurs l’ont confirmé, la faisabilité d’un projet, et donc la capacité d’un aménageur à le « faire advenir » (Arab, 2018 ; Blanchard, 2017), reste largement conditionnée par les éléments financiers, traduits dans le bilan d’opération.

9 Des immersions longues, réalisées par des étudiantes et étudiants dans le cadre de leur stage de fin d’étude ont complété ce dispositif. Des entretiens avec des chargé·e·s d’opérations et des responsables environnement ont également été menés auprès des six aménageurs ainsi que des observations lors de différents événements professionnels du milieu de l’aménagement, comme les Assises du foncier ou les rencontres du Réseau national des aménageurs. Cette recherche a une dimension partenariale. Les six aménageurs au sein desquels nous enquêtons sont également partenaires de la recherche et les avancements des recherches font régulièrement l’objet de discussions collectives, incluant aussi bien les aménageurs que des acteurs contribuant à réguler la pratique de l’aménagement (ministère, Caisse des dépôts, CEREMA, ADEME, Coopérative des communs, Mouvement pour la Frugalité heureuse et créative, pour donner quelques exemples).

10 À ce stade, alors que notre travail est amorcé depuis un peu plus d’un an, nous concevons cet article comme une proposition théorique et surtout une invitation à poursuivre et amplifier un travail (collectif) de réflexion sur l’écologisation de l’acte d’aménager et du modèle de fonctionnement des aménageurs. L’acte d’aménager n’est évidemment pas réductible au seul rôle des aménageurs, mais leur rôle d’ensemblier et de pilote de l’aménagement nous semble central dans la transformation de ce qui régit les mutations à l’œuvre dans cette activité de mise en ordre de l’espace.

11 Dans cet article, nous montrons la difficulté à saisir les processus d’écologisation de l’aménagement à travers les outils et concepts existants de l’économie de l’aménagement, et documentons l’enjeu épistémologique à faire dialoguer, à cet effet, les champs des comptabilités écologiques et de l’écologie territoriale (1). À cet enjeu analytique s’ajoute un enjeu pratique, qui permet de documenter en quoi le cadre actuel du fonctionnement des aménageurs, acteurs essentiels de l’acte d’aménager, est profondément déstabilisé par les urgences environnementales (2). Enfin, à partir de premiers éléments empiriques tirés de notre recherche, nous envisageons des pistes théoriques et pratiques pour repenser l’acte d’aménager au prisme de son écologisation (3).

1. Le défi d’un dialogue entre économie de l’aménagement et écologie territoriale pour penser l’écologisation de l’aménagement

12 Face aux changements environnementaux qui transforment et contraignent de manière nouvelle ou plus intense les pratiques de l’aménagement, en particulier celles des aménageurs, dispose-t-on d’un outillage conceptuel pour les analyser et pour qualifier le type de valeur ainsi produite ? L’hypothèse que nous défendons dans cette partie est l’existence d’une difficulté conceptuelle des champs classiques de la recherche en aménagement (et surtout de l’économie de l’aménagement et de l’écologie territoriale) à appréhender ces questions entre, résumées à gros traits, des approches centrées sur les processus de captation de la valeur monétaire, qui restent éloignées des enjeux matériels et du vivant non humain, et des approches centrées sur les flux physiques et des formes alternatives de « valuation » [4] (Vatin, 2013), qui peinent à atterrir dans la réalité organisationnelle et opérationnelle d’acteurs économiques comme les aménageurs. Cela ouvre la nécessité d’un dialogue entre plusieurs de ces champs pour pouvoir rendre compte des déplacements conceptuels à l’œuvre.

1.1. Les difficultés à saisir l’écologisation dans la recherche en économie de l’aménagement

13 Les pratiques des aménageurs ont fait l’objet de nombreuses recherches, notamment en économie de l’aménagement. Pour autant, les cadres conceptuels de ce champ se montrent difficilement opératoires pour saisir une partie des processus de transitions socioécologiques à l’œuvre.

14 Une partie de ces travaux insiste sur la transformation des circuits de financement de l’aménagement, en mettant l’accent sur les processus de financiarisation à l’œuvre (Ashton, 2009 ; Guironnet et al., 2016 ; Coulondre, 2017), en se centrant parfois sur des secteurs spécifiques de l’aménagement comme l’immobilier logistique (Raimbault, 2016), dans la lignée de travaux sur les instruments de capture de la valeur foncière par différents acteurs (Hendricks et al., 2017) et sur les questions de justice et de répartition que pose cette capture (Shepperd, 2023), questionnant l’abordabilité de ce qui est construit (Berté et al., 2022). De manière complémentaire, une autre s’est intéressée à la transformation de la chaîne de valeur de l’aménagement en regardant notamment la diversification du rôle de certains acteurs de la production urbaine comme les promoteurs, qui viennent concurrencer les aménageurs, ce qui réouvre des questions de régulation publique de la production urbaine (Citron, 2017). Ces recherches s’insèrent plus généralement dans des analyses sur les modalités de déploiement d’un aménagement de plus en plus négocié avec des acteurs privés (Llorente et Vilmin, 2011) et sur l’analyse des relations complexes entre la remontée de la chaîne de valeur effectuée par certains acteurs, notamment les investisseurs ou les promoteurs, et la recherche d’équilibres financiers pour les acteurs publics de l’aménagement (Llorente et al., 2020). Elles apportent des contributions essentielles à la compréhension d’une partie des mécanismes de financement de la production urbaine, synthétisées dans la question formulée par Isabelle Baraud-Serfaty, Nicolas Rio, et Clément Fourchy (2017) : « qui paiera la ville (de demain) ? »

15 L’apport principal de ces recherches est triple. Il illustre l’essoufflement du modèle traditionnel de l’aménagement urbain. Il permet ensuite, en écho aux travaux sur la conception urbaine (Grudet, Macaire et Roudil, 2017), de montrer le glissement de la valeur économique vers l’aval de la production urbaine, notamment du côté des services rendus aux usagers finaux [5]. Enfin, il documente la captation de cette valeur par des acteurs présents essentiellement à l’aval, promoteurs et plateformes numériques notamment.

16 Ces recherches permettent de bien saisir l’idée d’un monde de l’aménagement en crise ou en forte mutation, qui se cherche de nouveaux modèles économiques, comme y invitent les travaux au long cours d’Isabelle Baraud-Serfaty et de Nicolas Rio. Cependant, ces approches, qui politisent la question de la valeur mais réduisent souvent le foncier à sa valeur économique, négligent deux aspects fondamentaux d’un aménagement écologique :

  • La disponibilité des ressources nécessaires à l’aménagement, qu’il s’agisse du foncier ou des matériaux de construction, qui demeure le plus souvent largement impensée.
  • La prise en compte du vivant, et notamment du vivant non humain dans les pratiques de l’aménagement (Clergeau, 2020). Le vivant est régulièrement intégré, mais dans une vision largement utilitariste, qui s’appuie sur la monétarisation des services rendus par la nature en économie de l’environnement (Chee, 2004 ; Fisher et Turner, 2008). Ils ne cherchent pas à rendre compte du fonctionnement d’un écosystème, mais à regarder soit les coûts de compensation de sa dégradation soit la valeur potentielle attribuée à un écosystème [6].

18 D’une certaine façon, ces approches issues de l’économie de l’aménagement, en rabattant l’aménagement et la gestion du foncier sur des enjeux de capital économique, prennent pour acquise la domination de ce capital sur le capital naturel et le capital social, voire la substituabilité de l’un par l’autre.

1.2. Les apports de l’écologie sociale et territoriale : appréhender les dimensions physiques de l’acte d’aménager

19 Un champ de recherche en aménagement s’est historiquement construit autour du refus de la substituabilité des capitaux (partagé avec une partie de la recherche qualifiée d’hétérodoxe en économie de l’environnement) et de l’appréhension des évolutions territoriales par sa dimension physique et matérielle : l’écologie sociale et territoriale (Barles, 2010 ; Krausmann et al., 2008).

20 Les travaux analysant le fonctionnement d’espaces urbains en termes de métabolisme ont, depuis plusieurs décennies et les travaux de l’école de Vienne en écologie sociale ou de l’entrée plus francophone par l’écologie territoriale, offert des pistes analytiques qui sortent de la seule entrée monétaire. Cela passe par des approches quantifiant les flux matériels concourant au fonctionnement des villes (Barles, 2015 ; Courtonne, 2016 ; Souviron, 2022), ou par le déploiement de recherches plus qualitatives liées à la gouvernance de ce métabolisme (Augiseau, 2019 ; Bastin, 2022), et notamment aux enjeux de structuration de nouvelles filières de production, aux impacts environnementaux plus limités.

21 Ces travaux permettent là encore de mettre au jour des tensions et transformations à l’œuvre dans l’acte d’aménager, sur trois points au moins. Ils mettent en avant l’importance des flux physiques dans l’acte d’aménager. Celui-ci est alors appréhendé comme la transformation d’un stock existant de matières générant des flux conséquents de terres et de béton (Fernandez et al., 2018). Ces travaux soulignent de ce fait les relations métaboliques existantes entre les territoires faisant l’objet d’aménagements et d’autres, pourvoyeurs de ressources, qui leur sont nécessaires (Hutton, 2020). Ils mettent ensuite en évidence les externalités de l’acte d’aménager sur la biosphère, et notamment les modalités de sa dégradation (Bélanger, 2009). Ils opèrent enfin un déplacement dans la conceptualisation de la valeur associée à l’acte d’aménager, qui est moins celle de la constructibilité que celle d’équilibres écosystémiques.

22 Aussi riches et heuristiques que soient ces travaux, ils restent souvent ancrés dans des échelles larges, celles d’une ville, d’une région, et sont de ce fait légèrement décalés par rapport aux logiques de projets d’aménagement ou au rôle spécifique d’un acteur économique comme un aménageur.

1.3. Comptabilités alternatives et non-substituabilité des capitaux : comment repenser et compter la valeur de l’acte d’aménager

23 Des travaux autour des comptabilités alternatives émergent de façon saillante depuis quelques années. Ils ouvrent la voie à une possible articulation entre les apports des approches en économie (politique) de l’aménagement et les entrées métaboliques. D’une certaine façon, comme le rappelle Sabine Barles (2017), les recherches en écologie territoriale sont déjà une proposition théorique forte en termes de comptabilité alternative et écologique, puisqu’elles proposent non seulement de compter les flux de matériaux et ressources circulant sur un territoire, mais aussi d’en faire la base d’une stratégie de développement territorial.

24 Ces travaux dialoguent cependant assez peu avec les autres formes de comptabilités écologiques, alors qu’ils convergent assez largement dans leur ambition de donner leur sens plein à la comptabilité pour la sortir du seul spectre monétaire. Celles-ci sont résumées par les quatre fonctions de la comptabilité identifiées par Rambaud (2022) : prendre en compte (la comptabilité comme un système de représentations), compter (la commensurabilité et les métriques associées), être comptable (la redevabilité et la responsabilité), rendre compte (la communication sur ce qui est compté), en les appliquant aux pratiques de l’aménagement, et donc aux relations à la matière, à l’énergie et au vivant. Nous pouvons y ajouter une cinquième fonction, celle de « faire compter », et donc de donner une valeur particulière aux différents éléments qui participent à l’aménagement. Prise dans ce cadre, l’idée d’une écologisation de l’aménagement passe ainsi par une refonte des cadres comptables, dans l’idée, souvent développée dans les humanités environnementales (Larrère, 2010), de faire exister, jusqu’à le faire comptablement, des éléments jusqu’ici négligés comme les fonctionnements de la biosphère ou l’empreinte matérielle et environnementale d’un projet d’aménagement.

25 S’inscrivant dans le champ des critical accounting studies[7], les comptabilités écologiques prennent le contrepied des méthodes qui s’appuient sur la monétarisation des services écosystémiques. Ces dernières entendent par exemple rendre compte des coûts de l’érosion de la biodiversité en donnant un prix aux fonctions rendues par la nature. Elles se placent donc dans une perspective anthropocentrée, dans laquelle la valeur de la nature est liée à son utilité pour les sociétés humaines, et centrée sur l’inaction (combien cela coûte-t-il de ne pas agir ?). Les comptabilités écologiques, comme la comptabilité écosystème-centrée, se placent dans une perspective différente en évaluant le coût du maintien ou de la restauration des services écosystémiques. La question n’est plus « quel est le prix de la nature ? » mais plutôt « combien coûte le maintien du bon fonctionnement des écosystèmes ? » (Levrel et al., 2012, p. 26 ; Richard, 2013 ). Ces modalités de comptabilité écologique s’appuient donc sur une monétarisation. Cependant, celle-ci ne porte pas directement sur la nature, mais plutôt sur ce qui concourt à la maintenir en « bon » état. Dans ce cadre, l’économie joue un rôle instrumental, au service du maintien de conventions environnementales qui peuvent être définies collectivement et indépendamment de contraintes économiques (Levrel et Missemer, 2019). En ce sens, elles sont compatibles avec une perspective de durabilité forte, dans laquelle les différents capitaux ne sont pas substituables et où la perte de capital naturel ne peut pas être compensée par l’augmentation du capital économique.

26 En l’état, ces travaux sur de nouveaux cadres comptables et des comptabilités écologiques alternatives font cependant face à l’épreuve de leur atterrissage sur des objets concrets, et à leur difficile opérationnalisation (Hababou, 2022). Ils sont pris dans les dilemmes classiques en Science and Technology Studies de la multiplication des catégories et de la difficulté d’en suivre opérationnellement les évolutions conduisant à leur faible mise en place ou utilisation.

27 La prise en main conceptuelle de l’écologisation de l’acte d’aménager et du modèle des aménageurs pourrait bénéficier d’un dialogue entre les entrées métaboliques et les autres comptabilités écologiques. D’un point de vue théorique, ce geste analytique, qui vise à comprendre les processus d’écologisation de l’aménagement, produit trois déplacements principaux :

  • il prend au sérieux la dimension matérielle de l’aménagement, en permettant une appréhension des volumes de matériaux nécessaires à la réalisation des projets et une prise en compte, voire un calcul de l’empreinte environnementale des pratiques d’aménagement.
  • il fait compter la biosphère non pas de manière instrumentale, mais comme un système d’interdépendances. Si historiquement l’acte d’aménager vient déstabiliser et fragiliser ces interdépendances, l’articulation de ces trois champs permet de comprendre les déstabilisations à l’œuvre et d’avoir une approche critique et écosystème-centrée des politiques de renaturation qui se déploient de plus en plus chez les opérateurs d’aménagement, du moins dans leurs discours.
  • il permet de questionner la valeur de l’aménagement, sans évacuer pleinement la question économique, à la différence de ce que propose l’écologie territoriale, mais en la repositionnant dans une logique qui est celle du maintien en bon état écologique d’un écosystème et des coûts afférents à ce maintien.

2. L’aménagement en pratique : un modèle d’action confronté à ses limites ?

29 Les enjeux de transformation des cadres conceptuels et théoriques pour mieux saisir les dimensions physiques et matérielles de l’aménagement se retrouvent dans le milieu professionnel de l’aménagement. La prise en compte des limites planétaires et des évolutions réglementaires, telles que le zéro artificialisation nette, a ouvert un débat opérationnel chez les aménageurs, qui questionnent eux-mêmes leur pratique historique de l’aménagement. Nous revenons ici brièvement sur les mécanismes qui rendent l’acte d’aménager partiellement obsolète dans sa forme actuelle, et font l’objet, au sein des mondes opérationnels de l’aménagement, de discussions intenses [8]. Celles-ci concernent à la fois ce qui remet en cause le modèle de fonctionnement qui a structuré en large part les politiques d’équipement du territoire et l’intensité de la déstabilisation à l’œuvre, notamment pour les aménageurs.

2.1. Une mécanique productive « croissantiste » et une valeur indexée à la construction

30 L’une des difficultés majeures mises en avant par les aménageurs eux-mêmes tient à leur modèle économique, qui repose largement sur l’extension au domaine de l’aménagement des principes de « l’urban growth machine » décrite par Molotch (1976). De façon synthétique, la production de valeur de l’aménagement repose sur la transformation du foncier et sa valorisation via la constructibilité potentielle, que ce foncier soit un espace naturel, une friche ou un tissu urbain déjà constitué. Ce processus d’accumulation est synthétisé par la formule « la ville paie la ville » (Lorrain, 2008) : les recettes prévisionnelles futures, liées à la vente de terrains viabilisés dotés d’une valeur accrue, financent les dépenses d’aménagement. Cette optique implique donc un mode de financement s’appuyant sur une demande future croissante (Baraud-Serfaty et al., 2022), dont le carburant principal tient à la pratique de l’artificialisation. Par exemple, cela se traduit dans un projet urbain du Nord de la France par le choix de la collectivité de construire de nouveaux logements pour relancer l’attractivité et faire face au contexte de déprise démographique du centre-ville. La création d’une offre nouvelle de logements est imposée à l’aménageur sans étude approfondie des besoins en eau des écosystèmes locaux ou sans réflexion sur l’habitabilité du quartier à échéance 2050. Une visite du site avec l’aménageur sur ce site encore en travaux pour une nouvelle tranche est régulièrement ponctuée d’une formule symptomatique de cette mécanique croissantiste et de la progressive prise de conscience de ses conséquences environnementales : « ça, on ne le ferait plus comme ça aujourd’hui », pour désigner différentes formes d’artificialisation dans le projet, concernant par exemple les aménagements à destination de la gestion des eaux pluviales ou la place laissée en surface aux arbres.

31 Cette logique a son fondement historique. L’aménagement urbain s’est structuré de cette manière en France, notamment à partir de la décentralisation (Meyrignac, 2022) et du besoin de financer les équipements liés à la production de logements. La logique qui y était poursuivie est donc intimement liée à la construction, et à une réponse physique et matérielle aux besoins sociaux exprimés pour le développement d’activités économiques et l’amélioration du cadre de vie. Les choix de ce qui est construit sont, par ailleurs, indexés aux logiques de rentabilité de tel ou tel type d’usage(r)s, conduisant à laisser peu de place dans les grands projets d’aménagement aux activités jugées trop faiblement rémunératrices pour payer les loyers des espaces aménagés, comme les activités artisanales et productives.

32 Dans cette logique, la question des écosystèmes et de leur préservation est relativement seconde, quand elle n’est pas absente, et n’intervient, souvent, que tardivement sous un angle réglementaire à travers l’étude d’impact. La question est régulièrement abordée sous l’angle de la réduction et/ou de la compensation, dont de nombreux travaux ont montré le caractère controversé et la faible portée écologique (Dauguet, 2015 et 2020). À titre d’exemple, nous avons pu participer aux discussions entre un aménageur francilien et sa collectivité sur le niveau de rémunération de l’aménageur. La collectivité désire l’indexer au montant des travaux et a établi des ratios selon le type d’opérations, là où l’aménageur souhaiterait pouvoir valoriser, jusque dans sa rémunération, la mise en place de pratiques écologiquement ambitieuses, que ce soit autour de la gestion alternative des eaux de pluie ou de la renaturation de certains espaces. Dans cette négociation, la collectivité maintient un statu quo où les ambitions écologiques doivent trouver leur financement dans l’amortissement du foncier (via notamment la vente de droits à construire) et des équipements. Elle n’envisage pas d’augmenter le niveau de ses participations et reste dans une logique où, d’une certaine manière, les recettes issues de la constructibilité doivent financer la renaturation. La position défendue par l’aménageur fait valoir le surcroît de travail associé au suivi renforcé des performances environnementales et à la recherche de nouvelles sources de financement (subventions ou participations accrues) en raison de la baisse de la constructibilité. Cet exemple montre l’inadéquation des modèles d’affaires actuels des aménageurs et de la maîtrise d’ouvrage publique à l’écologisation de l’aménagement. On retrouve la fragilisation des modèles d’affaires des aménageurs pointés par Blanchard et Miot (2017) dans le cadre spécifique du développement d’activités de « conception aval », mais élargie à d’autres séquences du projet urbain.

2.2. Un modèle obsolète ? Un monde opérationnel en tension

33 Ce modèle de l’aménagement est en fait confronté à une triple crise : celle d’un besoin de réancrer les activités productives dans les limites planétaires physiques, celle d’une raréfaction des fonciers disponibles et celle d’un financement public toujours plus contraint.

34 La première de ces crises s’inscrit dans la logique de mise en place de politiques d’adaptation aux transformations climatiques. Elle se matérialise dans des objectifs de politiques publiques, comme celui du Zéro artificialisation nette. Elle devrait, en toute rigueur, imposer des transformations profondes dans les manières d’envisager l’acte d’aménager, pour favoriser la gestion de l’existant et sa rénovation plutôt que la construction neuve (ADEME, 2019) [9]. Les premières pistes qui émergent de la feuille de route de décarbonation de l’aménagement pilotée depuis fin 2022 par les aménageurs publics et privés sous l’égide du ministère de l’Écologie commencent à intégrer cet enjeu à travers un levier portant sur l’optimisation des usages sur les tissus existants (levier n°2 de la feuille de route). Cependant, la feuille de route met l’accent sur la création et la sanctuarisation de puits de carbone (traduite notamment par la promesse de plantation de 75 millions (!) d’arbres [10] par an), via des formes de compensations écologiques, alors que des études récentes montrent la baisse de la capacité d’absorption du carbone d’une partie du couvert forestier (Académie des sciences, 2023). Cette approche montre une faible intégration des empreintes matérielles de l’acte d’aménager par une partie des aménageurs, liée à une faible mesure des flux physiques associés à cette activité par les acteurs de la filière, limitant de ce fait leur capacité à pouvoir agir sur les volumes concernés. Ces orientations font cependant l’objet de controverses, car elles sont à rebours d’un mouvement de fond, qui traverse le milieu professionnel de l’architecture et de l’urbanisme, autour notamment des travaux du Manifeste pour une frugalité heureuse et créative (Bornarel et al., 2018). Soutenu par l’ordre des architectes, ce mouvement met au cœur de son propos une critique de l’approche productiviste de l’aménagement et promeut de nouvelles façons de construire et de nouvelles manières d’aménager voire de ménager.

35 Ces deux crises (raréfaction du foncier et financement toujours plus contraint) sont intimement liées l’une à l’autre, rendant l’activité des aménageurs plus contrainte, aussi bien en raison de la disponibilité des terrains, que des mécanismes possibles de financement d’aménagements devant intégrer les impératifs écologiques de désartificialisation. Le cas de l’aménageur de l’Ouest de la France évoqué dans l’introduction donne une illustration manifeste de cette double crise. De nombreux fonciers qui étaient considérés à forte valeur et sur lesquels des projets d’aménagement étaient prévus, voient leur potentiel de développement grevé par la présence de milieux rares et fragiles. Ceux-ci nécessitent une protection totale ou d’importantes compensations, difficilement finançables, ouvrant des questions nouvelles sur les possibilités de financer des actions dites de renaturation dans un système mettant en avant et valorisant la constructibilité potentielle. D’une certaine façon, l’acte d’aménager et le modèle de fonctionnement des aménageurs se retrouve, pour reprendre la formule utilisée par Coutard et le Bris pour les réseaux, « rattrapés par l’environnement » (2008), ce qui les amène à réinterroger profondément leurs modalités de fonctionnement et leur rôle dans la production et la gestion d’espaces urbains à l’heure des grandes accélérations climatiques.

3. Trois pistes méthodologiques pour aborder l’écologisation de l’acte d’aménager : pratiques, outils de pilotage et métriques

36 Face à ces difficultés pour saisir analytiquement les processus d’écologisation de l’aménagement et aux questionnements ontologiques des aménageurs sur leur devenir, comment peut-on repenser les cadres théoriques et opérationnels d’une écologisation de l’aménagement ? Nous traçons ici non pas un programme définitif, mais des pistes à déplier, forcément embryonnaires. Elles s’inspirent des premiers éléments empiriques que nous avons pu recueillir lors de nos immersions et des discussions de travail menées avec les aménageurs partenaires de la recherche. Ces pistes suivent deux grandes directions, dont la concrétisation reste variable selon les cas : une transformation des pratiques des aménageurs, une modification des outils de l’aménagement.

3.1. Repenser des pratiques qui engagent de nouveaux rapports à la matière, à l’énergie et au vivant

37 L’écologisation de l’acte d’aménager passe par une transformation des pratiques, c’est-à-dire des modes d’agir, mais aussi de certaines formes de cultures professionnelles, pour permettre de donner corps à la prise en main des relations au vivant, à l’énergie et à la matière. Quatre situations, tirées de nos immersions chez des aménageurs, permettent de rendre compte de processus d’écologisation à l’œuvre et d’interroger leurs implications pour la transformation de leurs modèles.

38 Les deux premiers exemples explorent la transformation du rapport à la matière (matériaux de construction et eaux usées) des aménageurs dans leurs opérations. Trois des aménageurs enquêtés contribuent, par exemple, au développement et à la structuration de filières territoriales de réemploi en imposant des taux de matériaux réemployés dans les cahiers de prescription à destination des promoteurs, ou en aménageant des fonciers temporaires à destination du stockage et d’activités de transformation des déchets de chantier. La transformation du rapport à la matière, pour les aménageurs, se traduit ici non seulement par des choix sur les matériaux mais aussi par la participation à des filières qui organisent leur circulation. On trouve ici un écho aux travaux, centrés sur la phase de construction, sur les formes de réutilisation des matériaux (Mongeard, 2017 sur les graves recyclées ; Bastin, 2022 sur les terres excavées). La participation des aménageurs au développement de ces filières les invite à penser leur action au-delà des périmètres de leurs opérations. Certains aménageurs enquêtés, en particulier dans des territoires métropolitains caractérisés par un fort renouvellement urbain, réfléchissent à la mutualisation des matières entre leurs différentes opérations, dans une approche globale de métabolisme urbain. Cela suppose un travail nouveau sur les acteurs existants et les possibilités de structuration de véritables filières, en particulier de réemploi, pour répondre à ces nouvelles attentes.

39 Les aménageurs explorent également les phases d’usage des projets urbains et immobiliers comme des leviers de transformation des rapports à la matière. Un aménageur parisien enquêté expérimente ainsi la mise en œuvre de la réutilisation des urines et de leur transformation en engrais à destination de l’entretien des jardins de la Ville de Paris. La mise en œuvre de cette boucle de réutilisation implique des surcoûts dans la mesure où elle nécessite le déploiement d’un réseau séparé de l’assainissement à l’échelle du quartier et la création d’une unité de valorisation en engrais. Ces surcoûts sont partagés entre les promoteurs et l’aménageur et partiellement compensés par des subventions de l’Agence de l’eau, qui paie par ce biais l’évitement de rejets d’azote dans la Seine. Cet exemple montre la prise en compte des cycles biogéochimiques, en l’occurrence ceux de l’azote et du phosphore, par un aménageur et la transformation de son rôle dans la gestion et la transformation forte du métabolisme associé aux usages d’un projet urbain. Cet exemple donne corps aux recherches émergentes sur les politiques d’aménagement « net-zéro en phosphore » (Metson et al., 2022). Cependant, dans ce cas, on reste sur des formes d’expérimentation, dont les surcoûts sont absorbés notamment par les marges de manœuvre financières dégagées grâce à la vente d’importantes charges foncières pour une partie des opérations.

40 L’aménagement pensé depuis les usages se retrouve également dans de nouvelles pratiques centrées sur l’énergie. Cela passe notamment par une remise en cause des temporalités classiques d’une opération d’aménagement, et par un débordement du rôle des aménageurs au-delà de la livraison de l’opération. Un aménageur parisien a, par exemple, installé un gestionnaire de quartier, qui vient appuyer la démarche de commissionnement (qui vise à faire coïncider performances énergétiques théoriques et performances réelles via un travail auprès des usagers et gestionnaires). Cette nouvelle fonction est pensée comme nécessaire à l’appropriation des innovations environnementales du quartier et à la création d’un espace de vie caractérisé par une très forte mixité sociale. Le gestionnaire de quartier sera autofinancé : il disposera à titre gratuit de plusieurs locaux et pourra y organiser des activités rémunératrices. En contrepartie, il devra gérer la commercialisation et l’animation des locaux commerciaux et d’activités du quartier et assurer des missions d’accompagnement de la vie du quartier. Cet exemple montre l’élargissement de l’action de l’aménageur afin de contribuer à une diminution pérenne des consommations énergétiques sur un quartier ou un aménagement donné. En effet, les dispositifs de production locale d’énergie (boucles d’eau chaude, géothermie, etc.) et de limitation des consommations nécessitent des réglages techniques fins en lien avec les appropriations habitantes de ces dispositifs, et l’écart est souvent important entre les consommations modélisées en conception et les consommations réelles en phase d’utilisation (avec des rapports en moyenne de 1 à 3 chez l’aménageur francilien, d’après ses propres mesures). L’écologisation du rapport à l’énergie passe ainsi par un changement d’optique pour intervenir également sur la phase d’usage. Cet exemple fait écho aux travaux du Ramau, qui mettent en évidence la préoccupation grandissante pour les enjeux de gestion dans le contexte d’injonction à la durabilité (Grudet et al., 2017). De manière plus générale, on observe une tendance à l’internalisation d’une fonction d’animation de quartier ou de maîtrise d’usage chez les aménageurs enquêtés. Cela peut prendre la forme d’une personne recrutée à l’échelle de l’entreprise ou dans le cadre d’une opération en particulier, souvent chargée de la mise en œuvre de démarches dites d’occupation temporaire. Ces démarches peuvent être le support de pratiques d’écologisation.

41 Ce changement dans les modes d’intervention des aménageurs s’accompagne d’une transformation des professionnalités. L’écologisation des pratiques des aménageurs s’appuie ainsi sur le développement de nouvelles compétences, ou à tout le moins sur l’intégration au sein des employés des sociétés d’aménagement de compétences directement en lien avec les enjeux d’écologisation. Nos immersions ont montré le développement et la structuration d’expertise interne dans les domaines de l’écologie scientifique, l’énergie, la participation et la prospective. Chez un aménageur de l’Ouest de la France, l’intégration de plusieurs écologues au sein des équipes opérationnelles a ainsi été conçue comme une méthode pour intégrer les enjeux du vivant dès la conception des projets, lui donnant à cet égard une valeur beaucoup plus forte. Ce changement, qui reste ici encore récent pour cette structure, témoigne de transformations en cours dans les cultures professionnelles des sociétés d’aménagement, pour permettre d’appréhender différemment la relation entre l’acte d’aménager et la présence du vivant, et ainsi faire du premier un acte d’organisation de la coexistence entre humains et non-humains et non un acte de séparation entre espaces pour les uns et espaces pour les autres.

42 Ces observations font écho aux travaux sur les pratiques d’aménagement qui ont montré les changements de rôle et la mobilisation de nouvelles expertises par la maîtrise d’ouvrage urbaine, générés par les démarches environnementales de type haute qualité environnementale (Abrial, 2009 ; Debizet et Symes, 2009). Nos immersions montrent l’extension de ces transformations à d’autres enjeux écologiques ainsi que la transformation en cours des cultures professionnelles des aménageurs eux-mêmes. Une approche méthodologique de l’écologisation des aménageurs implique ainsi une attention à la transformation de leurs rapports à la matière, au vivant et à l’énergie via de nouvelles pratiques d’aménagement et l’extension du domaine des compétences professionnelles nécessaires à un aménagement intégré.

3.2. Repenser des outils opérationnels et de pilotage de l’aménagement

43 Outre les pratiques, l’écologisation de l’acte d’aménager interroge les outils traditionnels utilisés pour piloter les projets. L’un d’eux, le bilan d’aménagement, joue un rôle déterminant, voire dimensionnant et demeure un outil marqué par l’entrée économique dans l’acte d’aménager.

44 Cet outil s’inspire de la comptabilité à double partie, avec des recettes d’un côté et des dépenses de l’autre. Le bilan, restreint au temps de la réalisation de l’opération, demeure partiel car il ne prend en compte que les coûts d’investissement de l’aménagement, c’est-à-dire ceux liés à la réalisation des travaux de viabilisation (réseaux, espaces publics, équipements), et néglige les coûts de maintenance qui seront pris en charge par les opérateurs (gestionnaires des bâtiments et collectivités), une fois le temps de l’opération d’aménagement échu. Dans ce contexte, la forme actuelle du bilan d’aménagement ne permet donc pas de rendre compte des coûts de l’ensemble du cycle de vie d’une opération, gommant les coûts cachés de l’entretien mais aussi de potentiels bénéfices [11]. De même, le bilan d’aménagement ne valorise pas les coûts évités liés à des renoncements, comme le fait d’éviter les coûts liés à des mesures de compensation ou ceux liés à l’extension d’un réseau dans le cadre d’opérations en extension urbaine. En s’inspirant de la proposition de Baraud-Serfaty et al. (2022), ces coûts évités pourraient être intégrés comme des recettes dans les bilans d’aménagement et permettre ainsi de financer d’autres pratiques écologisées. De manière plus profonde, le bilan se limite aux transactions qui se traduisent par un échange monétaire. Il rend compte du résultat des transactions effectuées, telles que la cession de foncier, les études ou les travaux réalisés, à travers leur prix. Il ne retrace pas les transactions qui ne se traduisent pas par un prix, comme le don de matériaux entre opérations. Il ne retrace pas non plus l’ensemble des opérations physiques (mobilisation de matière, consommation d’énergie, effets sur les espèces) qui sous-tendent une opération d’aménagement. En ce sens, il ne rend compte que d’une partie limitée, car monétarisée, de l’acte d’aménager.

45 Des événements peuvent venir questionner le bilan d’aménagement, comme la découverte d’une zone humide à protéger qui limite la constructibilité au sein de l’opération, ou une demande politique de fortes ambitions environnementales, qui implique des surcoûts par rapport au bilan initial. Ces modifications conduisent à des arbitrages entre équilibres financiers de l’opération, ambitions environnementales et formes urbaines (constructibilité, densité, composition). Comment faire émerger les équilibres écologiques, notamment le maintien des bons états écologiques des milieux et le non-dépassement des limites planétaires, dans les arbitrages réalisés lors de la conception et au cours de la conduite des opérations ? En d’autres termes, comment construire un bilan écologique d’aménagement, à mettre en regard voire à substituer au bilan économique d’aménagement ? Des expérimentations sont en cours, la ville de Paris ayant par exemple demandé à ses aménageurs un reporting extra-financier sur les éléments environnementaux, annexé aux comptes rendus annuels à la collectivité locale (CRACL). L’outil reste toutefois dans une logique de reporting et non de cadrage ou de pilotage et demeure séparé de la partie financière. Dans un autre contexte, l’un des aménageurs enquêtés a dû intégrer dans le traité de concession d’aménagement (TCA) d’un de ses projets un contrat d’objectifs environnementaux, établi par la collectivité et rythmé par des objectifs parfois chiffrés sur différents items de la production urbaine écologique, comme un objectif de désimperméabilisation nette, un nombre de mètres carrés d’espaces verts accessibles par habitant, un taux de réemploi des matériaux, etc. De cette manière, les ambitions écologiques deviennent des engagements contractuels. Cet instrument contractuel peut venir en complément d’un référentiel d’aménagement durable porté par la collectivité. On trouve là une porte d’entrée qui permet de faire compter ces éléments et qui ouvre un espace pour les intégrer directement dans un bilan écologique d’opération.

46 Le chantier de la refonte des métriques de l’aménagement est important, n’est pas encore stabilisé et fera de ce fait l’objet de nécessaires tâtonnements ; il fait l’objet d’expérimentations, notamment à travers les travaux du lab 2051, outil de prospective piloté par le ministère de l’Écologie. Dans le secteur de l’aménagement et de la construction, les métriques du carbone mesurées en équivalent CO2 et les métriques énergétiques mesurées en kwh/m² sont dominantes, ce qui résulte à la fois des normes croissantes dans le secteur du bâtiment et de la « climatisation » des politiques publiques, comprise ici comme le cadrage des politiques environnementales à partir du changement climatique. D’autres enjeux environnementaux majeurs, tels que l’érosion de la biodiversité, l’artificialisation des sols et la raréfaction des ressources ou encore des enjeux sociaux tels que la qualité de vie ne sont ni pris en compte ni mesurés. Repenser des métriques de l’aménagement implique donc d’intégrer dans la conception et l’évaluation des opérations des indicateurs de biodiversité, de qualité des sols, de consommation matérielle, non pour simplement ajouter des lignes supplémentaires de reporting mais pour faire compter ces paramètres dans les choix d’aménagement. Il n’est ainsi pas question de simplement construire des métriques pour elles-mêmes, mais d’en faire des paramètres d’aide à la décision, qui peuvent guider le choix de construire, de ne pas construire ou de construire différemment. À cet égard, l’un des enjeux récurrents pour ne pas en faire des outils de papier rarement voire jamais appliqués à l’image de nombreux référentiels est celui de l’opérationnalité de ces métriques. Pour leur conférer un caractère pratique et transformateur, ces métriques doivent ainsi démontrer leur utilité, leur facilité d’utilisation (utilisabilité) et leur facilité d’appropriation (l’acceptabilité socio-organisationnelle), qui sont, en suivant Mechin et Pioch (2019), les trois processus conditionnant l’opérationnalité.

47 Ce changement dans la manière de concevoir les bilans d’aménagement et donc les métriques qui pilotent l’acte d’aménager permettrait un déplacement radical de la notion de valeur dans l’aménagement, puisqu’un pareil bilan permettrait a minima de mettre sur le même plan des considérations purement économiques et d’autres associées à diverses formes de capitaux, rejoignant par ce biais la fonction évoquée précédemment de « faire compter » ce qui compte vraiment. La transformation des métriques de l’acte d’aménager est donc à envisager comme un processus de politisation de l’aménagement, autour de ces enjeux écologiques, et, à ce titre, un chantier largement ouvert ou à ouvrir.

Conclusion

48 L’acte d’aménager mobilise d’importantes quantités d’eau, de matériaux, d’énergie et modifie les relations au vivant. Les transformations profondes de l’acte d’aménager, notamment son écologisation, nécessitent de repenser les cadres analytiques de la recherche en aménagement pour développer une approche de la création de valeur sensible aux ressources matérielles, énergétiques et au vivant. Cet article tente d’y participer en posant les bases d’un dialogue entre l’écologie territoriale, qui étudie les territoires et les opérations d’aménagement comme des métabolismes mobilisant des flux de matière et d’énergie, et les comptabilités écologiques, qui développent des méthodes et des modèles pour valoriser le respect des limites planétaires et le maintien des écosystèmes autrement que par la monétarisation des fonctionnalités écologiques. L’article identifie trois dimensions charnières pour l’écologisation des modèles de fonctionnement de l’aménagement et leur analyse : une attention à la transformation des pratiques des aménageurs vers une plus grande sobriété matérielle et énergétique, la prise en compte des fonctionnements biogéochimiques dans les outils qui pilotent les opérations et la modification des métriques de l’aménagement pour permettre l’intégration des enjeux écologiques dans l’appareillage des aménageurs. La question de la valeur, de sa création et de sa mesure est donc au cœur de ce questionnement. Aujourd’hui, la valeur de l’aménagement est mesurée à partir de la valeur vénale du mètre carré aménagé, découlant des prix du foncier non aménagé et de sa viabilisation afin de lui permettre de recevoir de futures constructions (réseaux, équipements, voies de communication). Celle-ci est donc arrimée au fonctionnement du marché foncier et immobilier et donc relativement indépendante de certaines qualités environnementales de l’opération.

49 L’approche de l’aménagement par ses dimensions physiques, matérielles et ses relations au vivant, que nous défendons, invite à repenser les modalités de financement de l’aménagement et des aménageurs. L’article montre à cet égard qu’une pensée de l’écologisation de l’aménagement implique de réinterroger à la fois les déterminants des deux fonctions du projet urbain, le « définir » et le « faire advenir », tous deux étant soumis à des tensions nouvelles (Arab, 2018). Le projet urbain écologisé répond à de nouvelles finalités (« définir »), notamment améliorer les conditions d’habitabilité du vivant et restaurer de bons états écologiques. Dans le même temps, les conditions habituelles de faisabilité des projets (« faire advenir »), comme la vente de charges foncières et les participations des collectivités, ne suffisent plus à réaliser ces finalités. Ainsi, l’écologisation implique de repenser cette tension et la manière d’envisager les moyens au service de la réalisation des projets.

50 Ce questionnement est d’autant plus d’actualité que le contexte réglementaire français évolue vers une limitation toujours plus forte de l’extension au profit du recyclage urbain. Les coûts de production de l’aménagement augmentent, diminuant voire annulant les recettes des aménageurs, ce qui déstabilise le modèle économique historique de l’aménagement. Plusieurs pistes de financement peuvent être entrevues. La première concerne le repositionnement des aménageurs dans la chaîne de valeur de l’aménagement. Comme l’a montré Baraud-Serfaty (2015), la valeur de la production urbaine s’est décalée vers l’aval de la filière. Notre approche permet un complément à ces travaux en interrogeant le rôle des aménageurs et la temporalité de leurs interventions, qui pourraient se décaler au-delà de la livraison des opérations vers des fonctions de gestion et d’animation des quartiers, des espaces et des filières économiques qu’ils accueillent. Autrement dit, l’aménagement se financerait en captant la valeur là où elle se trouve, c’est-à-dire à l’aval de la filière, et en développant un modèle de création de valeur proche de l’économie de la fonctionnalité et de la coopération, plus uniquement dépendant des gains tirés de la vente mais plutôt de la valeur créée par les usages et les échanges. La deuxième consiste plutôt à regarder l’aménagement comme un service public dont les modalités de financement reposent sur l’impôt. Cette approche permettrait de déconnecter la création de valeur de la constructibilité, favorisant ainsi des interventions sans construction ou avec de faibles pourcentages de construction, au service de la régénération des écosystèmes ou de la redéfinition d’usages de lieux existants au profit d’une plus grande multifonctionnalité. Cette voie se matérialise partiellement dans la mise en place par l’État du fonds vert qui subventionne, entre autres, des projets de renaturation, de recyclage de friches et de rétablissement de continuités écologiques. Cependant, ce fonds semble insuffisamment doté face à l’ampleur des enjeux de transition socio-écologique [12]. L’approche de l’aménagement comme un service public semble plutôt entrer en tension avec la baisse tendancielle des ressources fiscales et des dotations des collectivités locales, donneurs d’ordre de nombreux aménageurs. Cette piste ouvre donc un autre champ de questionnements concernant les modalités de financement possibles de l’aménagement par les collectivités.

Remerciements

Cet article est tiré d’un projet de recherche qui a bénéficié du soutien financier du Plan urbanisme construction architecture (PUCA), de la Banque des Territoires, de l’Institut CDC pour la recherche et de l’Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT).

Bibliographie

Bibliographie

  • Abrial S., 2009. New professional leadership in France. In Cooper M. et Symes I. (dir.), Sustainable Urban Development. Vol. 4, Changing Professional Practice. Abigdon, Routledge, 229-249.
  • ADEME, 2019. Prospectives 2035 et 2050 de consommation de matériaux pour la construction neuve et la rénovation énergétique BBC, Paris.
  • Arab N., 2018. Pour une théorie du projet en urbanisme, Revue européenne des sciences sociales 56(1), 219-240.
  • Ashton P., 2009. An appetite for yield : The anatomy of the subprime mortgage crisis. Environment and Planning A 41(6), 1420-1441.
  • Augiseau V., 2019. Utiliser les ressources secondaires de matériaux de construction : contraintes et pistes d’action pour des politiques territoriales. Flux 116-117, 26-41.
  • Baraud-Serfaty I., 2015. Vers de nouveaux modèles économiques urbains. Pouvoirs locaux 104(1), 65-78.
  • Baraud-Serfaty I., Rio N., Fourchy C., 2017. Qui paiera la ville (de demain) ? Rapport de recherche pour le PUCA. http://www.urbanisme-puca.gouv.fr.acces.bibl.ulaval.ca/IMG/pdf/puca_1917.pdf
  • Baraud-Serfaty I., Rio N., Delhay H., Fourchy C., 2022. Étude sur les nouveaux modèles économiques urbains (saison 4). Les modèles économiques des services urbains au défi de la sobriété. Rapport de recherche pour le PUCA.
  • Barles S., 2010. Society, energy and materials : The contribution of urban metabolism studies to sustainable urban development issues. Journal of environmental planning and management 53(4), 439-455.
  • Barles S., 2015. The main characteristics of urban socio-ecological trajectories : Paris (France) from the 18th to the 20th century. Ecological Economics 118, 177-185.
  • Barles S., 2017. Écologie territoriale et métabolisme urbain : quelques enjeux de la transition socioécologique. Revue d’Économie Régionale & Urbaine 5, 819-836.
  • Bastin A., 2022. Des métabolismes territoriaux en transformation ? Gouvernance des matériaux de chantier et expérimentations de nouvelles valorisations en Ile-de-France et dans la région de Bruxelles, Thèse de doctorat, Sciences Po.
  • Beatley T., 2011. Biophilic Cities. Integrating Nature Into Urban Design and Planning, Washington, Island Press.
  • Bélanger P., 2009. Landscape as infrastructure. Landscape Journal 28(1), 79-95.
  • Berté C., Boulay G., Benites-Gambirazio E. et Bonneval L., 2022. « 20 % de plus, 20 % moins cher ». Le plan 3A de la Métropole de Lyon ou les ambiguïtés de l’accession abordable. Géographie, économie, société 24(1), 103-123.
  • Blanchard G., 2017. L’élaboration des choix énergétiques dans les projets urbains, entre apprentissages et négociations. L’exemple des prescriptions immobilières à Bordeaux Saint-Jean Belcier. Géographie, économie, société, 19, 173-196.
  • Blanchard G., Miot Y., 2017. Quelle activité de conception dans les séquences aval des projets d’aménagement ? Apprentissages et négociations dans l’encadrement des opérations immobilières à Bordeaux Euratlantique et Lille-Arras-Europe. Revue internationale d’urbanisme 3, en ligne.
  • Bornarel A., Gauzin-Müller D. et Madec P., 2018. Manifeste pour une frugalité heureuse et créative. https://frugalite.org/manifeste/
  • Charbonnier P. et Kreplak Y., 2012. Savoirs écologiques. Tracés 22, en ligne.
  • Cefaï D., 2010. L’engagement ethnographique. Editions de l’EHESS.
  • Chee Y. E., 2004. An ecological perspective on the valuation of ecosystem services. Biological Conservation 120(4), 549-565.
  • Charlot-Valdieu C., Outrequin P., 2018. Mener un projet de construction ou d’aménagement en coût global : méthodes et outils (2è éd.). Le Moniteur.
  • Citron P., 2017. Produire la ville grâce aux opérateurs immobiliers : quel modèle pour l’aménagement privé en zone dense ? Métropoles 20, en ligne.
  • Clergeau P. (dir.), 2020. Urbanisme et biodiversité. Vers un paysage vivant structurant le projet urbain. Apogée, Rennes.
  • Colin A., Erba A., Nicol M., Abbamonte C. (SFIL), 2022. Collectivités : les besoins d’investissements et d’ingénierie pour la neutralité carbone. Octobre. Rapport pour l’Institut de l’économie pour le climat.
  • Cormier L., De Lajartre A. et Carcaud N., 2010. La planification des trames vertes, du global au local : réalités et limites. Cybergeo : European Journal of Geography, en ligne.
  • Coulondre A., 2017. La création de profit par les promoteurs immobiliers. Revue française de sociologie 58(1), 41-69.
  • Courtonne J.Y., 2016. Évaluation environnementale de territoires à travers l’analyse de filières : la comptabilité biophysique pour l’aide à la décision délibérative. Thèse de doctorat, Université de Grenoble.
  • Coutard O., Florentin D., 2022. Resource ecologies, urban metabolisms, and the provision of essential services. Journal of Urban Technology 29(1), 49-58.
  • Dauguet B., 2015. Biodiversity offsetting as a commodification process : A French case study as a concrete example. Biological Conservation 192, 533-540.
  • Dauguet B., 2020. La compensation écologique : conception, inscription et institution de l’équivalence écologique, Thèse de doctorat, EHESS.
  • Debizet G., Symes M., 2009. Expertise and methodology in building design for sustainable developement : A Franco-British comparison. In Cooper, M. et Symes, I. (dir.), Sustainable Urban Development. Vol. 4: Changing Professional Practice. Abigdon, Routledge, 197-228.
  • Deverre C. et de Sainte Marie C., 2008. L’écologisation de la politique agricole européenne. Verdissement ou refondation des systèmes agro-alimentaires ? Revue d’Études en Agriculture et Environnement 89(906), 83-104.
  • Fenker M., 2017. L’espace comme enjeu de gestion. Éléments pour un élargissement du questionnement sur la ville durable. Cahiers RAMAU. Revue du Réseau activités et métiers de l’architecture et de l’urbanisme 8, 28-46.
  • Fernandez M., Blanquart C. et Verdeil E., 2018. La terre et le béton : le projet d’urbanisme considéré sous l’angle du métabolisme territorial. VertigO – La revue électronique en sciences de l’environnement 18(3).
  • Fisher B., Turner R. K., 2008. Ecosystem services : Classification for valuation. Biological Conservation 141(5), 1167-1169.
  • Fuenfschilling L., Truffer B., 2014. The structuration of socio-technical regimes. Conceptual foundations from institutional theory. Research Policy 43(4), 772-791.
  • Gallhofer S., Haslam J., 1997. Beyond accounting : The possibilities of accounting and “Critical” accounting research. Critical Perspectives on Accounting 8 (1-2), 71-95.
  • Guironnet A., Attuyer K., Halbert L., 2016. Building cities on financial assets : The financialisation of property markets and its implications for city governments in the Paris city-region. Urban Studies 53(7), 1442-1464.
  • Grudet I., Macaire E., Roudil N., 2017. La gestion et la conception des espaces. Évolutions à l’épreuve de la ville durable. Cahiers RAMAU. Revue du Réseau activités et métiers de l’architecture et de l’urbanisme 8, 8-25.
  • Hababou N., 2022. Comptabilité en soutenabilité forte – Freins et leviers à la mise en place d’une innovation comptable. Thèse de doctorat, Université Paris Dauphine.
  • Haberl H., Wiedenhofer D., Erb K.-H., Görg C., Krausmann F., 2017. The material stock–Flow–Service nexus : A new approach for tackling the decoupling conundrum. Sustainability 9(7), 1049-1067.
  • Hendricks A., Kalbro, Llorente M., Vilmin T., Weitkamp A., 2017. Public value capture of increasing property values – What are “unearned increments”? In Hepperle et al. (Ed), Land Ownership and Land Use Development – The Integration of Past, Present and Future in Spatial Planning and Land Management Policies, Hochschulverlag, Zürich, 257-282.
  • Hornborg A., 2009. Zero-Sum world challenges in conceptualizing environmental load displacement and ecologically unequal exchange in the world-system. International Journal of Comparative Sociology 50(3-4), 237-262.
  • Hutton J., 2020. Reciprocal Landscapes : Stories of Material Movements. New York, Routledge.
  • Krausmann F., Fischer-Kowalski M., Schandl H., Eisenmenger N., 2008. The global sociometabolic transition. Journal of Industrial Ecology 12(56), 637-656.
  • Le Bris C., Coutard O. 2008. Les réseaux rattrapés par l’environnement ? Développement durable et transformations de l’organisation des services urbains. Flux 74(4), 6-8
  • Léger-Smith F., 2013. Analyse interprétative du discours du Landscape Urbanism et impact sur le développement des pratiques des paysagistes dans le contexte français. Projets de paysage, https://doi-org.acces.bibl.ulaval.ca/10.4000/paysage.12682.
  • Levrel H., Hay J., Bas A., Gastineau P., Pioch S., 2012. Coût d’opportunité versus coût du maintien des potentialités écologiques : deux indicateurs économiques pour mesurer les coûts de l’érosion de la biodiversité. Natures Sciences Sociétés 20(1), 16-29.
  • Levrel H., Missemer A., 2018. La mise en économie de la nature, contrepoints historiques et contemporains. Revue économique 70(1), 97-122.
  • Llorente M., Vilmin T., 2011. Une nouvelle lecture de l’aménagement urbain : mise à l’épreuve de la grille d’analyse néo-institutionnelle sur 3 cas. Rapport de recherche, CSTB, Programme villes et territoires durables.
  • Llorente M., Drozdz M., Vila Vazquez J., 2020. L’aménagement urbain, une nouvelle étape de la diversification d’actifs ? Les investisseurs dans les projets du Grand Paris. Rapport de recherche, chaire du Grand Paris.
  • Loorbach D. Frantzeskaki N., Avelino F., 2017. Sustainability transitions research : Transforming science and practice for societal change. Annual Review of Environment and Resources 42, 599-626.
  • Lopez F., 2019. L’ordre électrique. Infrastructures énergétiques et territoires. Genève, MétisPresses.
  • Lorrain D., 2008., La gig@city, nouveau lieu de la production de capital, Annales des Mines – Réalités industrielles, 63-69.
  • Mechin A., Pioch S., 2019. Séquence ERC : comment améliorer l’utilisation des méthodes de dimensionnement de la compensation écologique ?, Vertig0 – la revue électronique en sciences de l’environnement, en ligne.
  • Metson G.S., Brownlie W.J. et Spears B.M., 2022. Towards net-zero Phosphorus Cities. NPJ Urban Sustain 2(30) (en ligne).
  • Meyrignac J., 2022. L’an II de l’aménagement public. Urbanisme, numéro spécial Actes des 10e entretiens de l’aménagement, 3.
  • Molotch H., 1976. The city as a growth machine : Toward a political economy of place. American Journal of Sociology 82(2), 309-332.
  • Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, 2023. Feuille de route de décarbonation de l’aménagement, 98 p.
  • Mongeard L. 2017. De la démolition à la production de graves recyclées : analyse des logiques de proximité d’une filière dans l’agglomération lyonnaise. Flux 108(2), 64-79.
  • Moore D., 1991. Accounting on trial : The critical legal studies movement and its lessons for radical accounting. Accounting, Organizations and Society 16(8), 763-791.
  • Mormont M., 2013. Écologisation : entre sciences, conventions et pratiques. Natures Sciences Sociétés 21, 159-160.
  • Offner J.-M., 2022. ZAN, contre-enquête. De l’impasse légaliste de l’arithmétique foncière à l’ambition régulatrice de la gouvernance des sols. Urbanisme, en ligne.
  • Offner J-M., 2023. ZAN saison 2 : Un mode d’emploi alternatif du « zéro artificialisation ». Urbanisme, en ligne.
  • Paris M., Henry E., 2009. Institutional dynamics and barriers to sustainable construction in France, the United Kingdom and the Netherlands. In Symes M. et Cooper I. (dir.), Sustainable Urban Development 4. Changing Professional Practice, Routledge, 171-196.
  • Raimbault N., 2016. Ancrer le capital dans les flux logistiques : la financiarisation de l’immobilier logistique. Revue d’Économie Régionale Urbaine 1, 131-154.
  • Rambaud A., 2022. CARE : repenser la comptabilité sur des bases écologiques. L’Économie politique 93, 34-49.
  • Richard J., 2013. La nature n’a pas de prix… Mais sa maintenance a un coût. Revue Projet 332(1), 81-87.
  • Rockström J., Gupta J., Qin D., Lade S., et al.. 2023. Safe and just Earth system boundaries. Nature 619, 102-111.
  • Rode S., 2023. Écologiser l’urbanisme. Pour un ménagement de nos milieux de vie partagés. Lormont, Le bord de l’eau.
  • Shepperd E, 2022. Capturing value : The return of the land question in planning. Town and Country Planning Association Journal 92 (2), 92-97.
  • Souviron J., 2022. Glazing Beyond Energy Efficiency. Thèse de doctorat, Université Libre de Bruxelles.
  • Steffen W., Richardson K., Rockström J., Cornell S.E., et al., 2015. Planetary Boundaries : Guiding Human Development on a Changing Planet. Science 347 (6223).
  • Vatin F. 2013. Valuation as evaluating and valorizing. Valuation Studies 1(1), 31-50.

Mots-clés éditeurs : écologie territoriale, économie de l’aménagement, comptabilités écologiques, aménageurs, écologisation

Mise en ligne 09/10/2024

https://doi-org.acces.bibl.ulaval.ca/10.1684/ges.2024.15

Notes

  • [1]
    Nous parlons d’acte d’aménager pour évoquer toutes les procédures et pratiques qui contribuent au pilotage, à la réalisation et aux transformations successives des projets d’aménagement. Le terme, qui est employé par certains de nos interlocuteurs, vient sans doute de l’analogie avec « l’acte de construire » ou « l’acte de bâtir ». Là où le terme aménagement peut avoir des acceptions larges, l’acte d’aménager a un périmètre plus circonscrit, rapporté à une opération.
  • [2]
    Pour une présentation des débats théoriques autour de la notion, voir Bognon et Thébault (2020) et Rode (2023).
  • [3]
    En prenant acte du fait que les référentiels existants, comme ceux sur l’aménagement ou la construction durable (Paris et Henry, 2009), restaient souvent peu utilisés par les aménageurs partenaires, car jugés peu opérationnalisables, notamment en raison de leur caractère considéré souvent trop général, ou daté, et de la difficulté à être suivi.
  • [4]
    Par valuation, on entend les processus qui attribuent des valeurs monétaires et non monétaires à un objet. Comme l’indique Vatin : « valuation studies are about studying everyday inquiries about what is desired, cared about, or held précieux – inquiries through which, according to John Dewey, people go from immediate valuations to more reflexive ones (asking themselves “Is it really worth it?” » (Vatin, 2013, p. 32).
  • [5]
    Qu’on retrouve aussi dans les travaux qui mettent en avant la valeur servicielle des espaces aménagés (Fenker, 2017).
  • [6]
    À cet égard, dans le cas de l’aménagement français, un référentiel métrologique a été publié en 2022 pour développer cette approche au sein des projets d’aménagement, à la suite des travaux d’un groupe présidé par Sabine Baïetto-Beysson.
  • [7]
    Ces travaux, depuis les recherches de Moore (1991) ou Gallhofer et Haslam (1997) offrent des outils analytiques permettant de comprendre la construction de conventions comptables et les enjeux sociopolitiques et matériels qu’elles recouvrent.
  • [8]
    Dont témoignent bien les titres des dernières sessions du Réseau national des aménageurs : « aménager autrement, la nouvelle place de l’aménageur » (23 novembre 2023), ou du Club ville et aménagement sur « les aménageurs face au changement climatique » (idem).
  • [9]
    Dans ces deux études prospectives, l’ADEME compare la consommation d’une vingtaine de matériaux nécessaires pour la construction et la rénovation BBC (bâtiments basse consommation) des bâtiments à l’horizon 2050. Elles procèdent notamment au chiffrage de la quantité de matériaux à mobiliser en tonne par mètre carré, montrant que la rénovation d’un bâtiment nécessite 40 à 80 fois moins de tonnes par mètre carré de matériaux, selon la typologie des bâtiments (40 pour une maison individuelle, 80 pour un immeuble collectif). L’ADEME en retient de ce fait un besoin urgent de favoriser la rénovation sur le développement de nouvelles constructions et extensions.
  • [10]
    Présentation de la feuille de route lors des rencontres du Réseau national des aménageurs en mars 2023. Voir la feuille de route définitive : https://www-ecologie-gouv-fr.acces.bibl.ulaval.ca/sites/default/files/Feuille_de_route_decarbonation_amenagement.pdf
  • [11]
    Ces aspects sont détaillés dans les travaux de Charlot-Valdieu et Outrequin (2018).
  • [12]
    Ce fonds permet aux collectivités d’obtenir un accompagnement au montage de projets et des financements pour réaliser des projets de transition écologique. Il est doté de 2 milliards d’euros en 2023. Or, une étude de l’Institut pour le Climat (I4CE), estime que les collectivités devraient réaliser au moins 12 milliards d’euros d’investissements chaque année de 2021 à 2030 pour atteindre les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone, et ce quel que soit le scénario d’atteinte de la neutralité carbone (Colin et al., 2022).
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

Université Laval - 132.203.227.62

Accès institutions

Vous êtes actuellement connecté(e) via
Université Laval

Rechercher

Toutes les institutions